Après plus de 10 ans d’exploitation d’une plate-forme de livraison en sous-traitance, PiggyBee ferme ses portes. David, le fondateur, a envoyé l’annonce ci-dessous. Je suis triste mais je ne suis pas surpris car les services de livraison peer-to-peer n’ont jamais vraiment décollé avec aucune plate-forme. David fait de son mieux pour partager les leçons apprises dans son message d’adieu, il vaut donc la peine de le lire si vous êtes intéressé par ces services.

PiggyBee – Fin du voyage
#CrowdShipping

Il y a plus de 10 ans, j’ai eu cette idée de créer une plateforme qui mettrait en relation des personnes qui souhaitent transporter un objet avec des personnes qui voyagent, principalement à l’international. À mon insu à l’époque, de nombreux entrepreneurs se lançaient également dans des « marketplaces » peer-to-peer, que ce soit pour le logement, le covoiturage, la livraison de repas, etc. Malheureusement à ce jour et malgré tous nos efforts, les revenus ne couvrent toujours pas les dépenses et je suis obligé de tourner la page de cette aventure.

Par rapport à notre modèle, qui s’est depuis entouré de divers concurrents, je n’ai pas connaissance d’un service qui ait été entièrement performant dans la livraison de colis entre particuliers (j’entends par performant qui soit « connu de tous » comme Airbnb , BlaBlaCar, Deliveroo…). Aussi, j’ai voulu partager ici mon expérience avec de futurs porteurs de projet dans l’espoir qu’un modèle viable puisse voir le jour.

Mon premier constat peut sembler simpliste mais le plus gros problème du modèle est… l’inertie du boîtier ! En logistique, la « livraison du dernier kilomètre » (livraison finale à l’utilisateur) représente déjà le plus gros casse-tête du siècle pour les transporteurs. Dans notre cas, nous étions confrontés à ce problème du dernier kilomètre mais aussi au premier kilomètre = que le colis parvienne le premier au voyageur. Si vous louez un Airbnb, vous vous rendez à celui-ci en avion, en voiture, à pied. Idem pour le covoiturage, vous vous rendez au point de rendez-vous. C’est aussi simple que cela : un colis ne se déplace pas tout seul ; ) Peu importe qu’il doive être déplacé de 12 000 km ou seulement de 2 m, quelqu’un devra s’en occuper à chaque étape ! Les transporteurs connaissent un franc succès dans l’utilisation des points relais : une personne se charge d’amener le colis au point relais et une autre de le récupérer là-bas, sans aucune autre contrainte. Les tarifs via les points relais sont beaucoup plus attractifs. Dans le cas de PiggyBee, la récompense n’a jamais semblé suffisante (par rapport au prix de l’objet ou au gain réalisé par le demandeur) pour que le voyageur accepte de prendre en charge ces nombreuses démarches : trop de galère pour trop peu de récompense.

Mon deuxième constat est le manque de récurrence, talon d’Achille d’un « business » (= un projet qui génère des revenus qui permettront au service de se développer et d’apporter une aide à ses usagers). Tout le monde a besoin d’un logement quand il part à l’étranger, tout le monde a besoin de se déplacer, tout le monde a besoin de manger… Pas sûr que tout le monde veuille s’offrir des cigares cubains ou le dernier t-shirt des Yankees 20 fois par an… Il est extrêmement difficile dans ce cas de retenir un groupe des utilisateurs, une faible rétention qui s’avère tôt ou tard fatale.

Olivier, notre voyageur le plus fidèle, a effectué la majorité des transports sur le quai. Olivier est hôtesse de l’air pour une grande compagnie aérienne (=voyages récurrents). A l’étranger, il fait envoyer les colis à l’hôtel (= solution au problème du « premier kilomètre »). Au retour de l’étranger, il expédie systématiquement ses colis via Mondial Relay, un transporteur traditionnel qui utilise des points relais (= solution au problème du « dernier kilomètre »).

J’ai participé à plusieurs conférences, suis allé à différents congrès, nous avons essayé d’approcher les compagnies aériennes mais tout cela n’a pas sauvé la mise (sans parler de l’énorme réticence des compagnies aériennes à évoquer un forfait de-pour quelqu’un d’autre…)

Je pense qu’une partie de la solution réside dans le procédé développé par Olivier. Derrière, comme c’est le cas sur l’appli Vinted par exemple, une facilité d’utilisation déconcertante s’impose (je pense à l’impression en un clic de l’étiquette qui enverra le colis au destinataire final vers un point relais).

Malheureusement, notre fusée s’est cassée en vol. Il faut beaucoup de ressources (humaines et financières) pour soutenir le développement d’une telle plateforme.

Cela dit, je veux encourager nos amis de Cocolis qui se concentrent principalement sur leur territoire. La France est déjà habituée aux modèles « entre particuliers » comme Bla Bla Car. C’est aussi là, entre autres, qu’Airbnb a commencé à s’implanter. Il est facile pour les utilisateurs de comprendre et d’adopter une variation d’un modèle connu. Cocolis répond également à une préoccupation qui est le transport d’objets encombrants (ou qui ne peuvent pas être réellement emballés-consignés pour voyager avec un transporteur traditionnel). Une bonne réponse à la première question posée par les investisseurs : « quel est le problème que vous résolvez ? La réponse est moins évidente lorsqu’il s’agit de livraison internationale. Obtenir le dernier t-shirt des Yankees est-il une question vitale ? Pour certains, peut-être; )

J’ai également apprécié les efforts de mes amis belges de Hytchers, dont l’idée était de faire voyager les colis entre différentes stations-service utilisées comme points relais. Le recours à des trajets « qui se font déjà de toute façon » s’inscrit parfaitement dans les exigences écologiques actuelles. D’après ce que j’ai compris, Hytchers a été dépassé par une poignée de transporteurs traditionnels (ou certains syndicats) qui n’ont visiblement pas apprécié qu’on puisse faire la moindre ombre à leurs gros profits (et oublier quelque solution écologique).

L’aventure n’en aura pas été moins passionnante, j’ai rencontré plein de gens extraordinaires, j’ai été confronté au vieil environnement de la logistique traditionnelle et j’ai appris tellement de choses qui me serviront toute ma vie.

Enfin, je tenais à remercier Olivier, les 30 000 utilisateurs qui ont rejoint PiggyBee depuis 2012, WING, mon associé Basile Bedelek, mon cousin Sébastien Desemberg, nos conseillers Olivier Griffet, Anthony Bievelez, Ben Piquard et nos stagiaires Alice Latteux, Alexandrine Lebrun, Armand Rousseau et Kevin Sterckx.

David Vuylsteke.

N’hésitez pas à me laisser un message bonjour [at] piggybee.com

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