«La rivière dans laquelle je me tiens mesure 20 mètres de large et jusqu’à la taille. L’eau est gelée et se déplace rapidement. Pour arriver ici, nous avons descendu nos 30 porteurs et leurs charges en harnais le long d’une falaise abrupte. Déjà ce voyage est terrifiant et nous n’avons même pas encore atteint le camp de base.

Nous sommes au pied de l’Annapurna III, le sommet de l’Himalaya à 7 500 mètres. Notre défi – moi et deux grands grimpeurs, Ian Parnell et John Varco – est d’affronter l’arête sud-ouest invaincue. A la folie, on y va tout seul, sans cordes fixes ni support. Pas de téléphone satellite, pas même de météo. Enfin, nous traversons la rivière et installons notre campement, prêts à lancer notre ascension. Pendant trois jours, nous avançons bien.

Le quatrième jour, cependant, nous avons frappé un groupe de rock en ruine. Nous sommes à 7 200 mètres au-dessus du niveau de la mer et la respiration est désespérément difficile. Il nous faut toute la journée pour gravir 150 mètres. Finalement, nous nous en remettons pour constater qu’il n’y a pas d’endroit plat pour planter nos tentes. Le soleil se couche et la température chute.

Il est clair aussi que John ne va pas bien. Il semble avoir le mal aigu des montagnes : liquide sur les poumons. Il met la vie en danger s’il n’est pas traité rapidement, mais nous devons établir un camp. Nous sortons nos haches et fracassons un rebord dans la glace, notre lit pour la nuit. Heureusement, la météo est de notre côté.

Alors que le soleil se lève, je regarde vers John. Il crachait du sang mais il lève le pouce. Après une autre journée d’escalade, nous décidons que c’est à faire ou à mourir pour le sommet. Nous abandonnons nos affaires et commençons à bouger aussi vite que notre corps fatigué le permet. Soudain, nous nous rendons compte que le sommet fait signe. L’expression d’exaltation sur les visages des autres est étonnante. Nous sommes entourés d’un panorama à 360 degrés de sommets et de rien d’autre. On s’imprègne de l’instant.

Ensuite, nous nous rendons compte : si nous lever nous a presque tués, comment diable allons-nous descendre ?

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